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Nos adhérents

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Le 5 novembre 2016

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C'est avec une immense émotion que nous avons appris le décès brutal de Paul Colonge, survenu à Lille le 30 octobre 2016. Ses funérailles ont eu lieu le vendredi 4 novembre  à Lille, en la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille 

Durant de nombreuses années, Paul Colonge exerça avec le plus grand dévouement et la plus profonde intégrité les fonctions de Secrétaire Général du Syndicat des Lettres ainsi que de la Fédération.

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In Memoriam

Paul Colonge

(21 avril 1932 – 30 octobre 2016)

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 Agrégé d’allemand, syndicaliste convaincu, Paul Colonge, qui  nous a quittés ce 30 octobre, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, a été un universitaire, un enseignant et un chercheur hautement respecté de ses pairs en France et en Allemagne. Il fut également un responsable syndical remarquable, Secrétaire Général du Syndicat des Lettres de 1978 à 1982, puis de 1995 à 2000 ;  Secrétaire général de la Fédération de 1990 à 1995. Affable et accessible, il a défendu les valeurs universitaires qui sont les nôtres avec intelligence et détermination tout en oeuvrant au rayonnement de notre syndicat par son affabilité et sa serviabilité.

Originaire du Lyonnais, il s’est installé dans le Nord de la France où il a effectué une longue et fructueuse carrière de germaniste à l’université de Lille III dont il est devenu émérite en 2000.

Paul Colonge enseignait plus particulièrement la civilisation allemande et sa thèse d’Etat sur Ludwig Windhorst, soutenue en 1978, l’a désigné comme le spécialiste des mouvements politiques et sociaux catholiques au sein de l’Allemagne bismarckienne et wilhelminienne. Mais son intérêt pour l’interaction du religieux et du séculier ne s’est pas limité à cette période : l’auteur de Religions, société et culture, en Allemagne au 19e siècle et le directeur de publication d’Histoire religieuse de l'Allemagne, a également rédigé de nombreux articles et collaboré à maintes publications sur le thème de la laïcité en France et en Allemagne.

Ces activités intellectuelles et professionnelles ne sauraient être séparées d’un engagement chrétien très sincère, qui s’est traduit notamment par la publication en 2011 d’une biographie du pape Benoît XVI, Benoît XVI, La Joie de Croire écrit en collaboration avec son épouse Chantal, hispaniste, et elle aussi professeur à Lille III. Leur rencontre avec Benoît XVI a été un temps particulièrement fort pour les deux époux. Parallèlement, il a œuvré au sein du diocèse de Lille, s’attachant plus particulièrement à faire découvrir la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille où ses funérailles ont été célébrées le 4 novembre.

Tout le monde aimait et appréciait Paul Colonge, homme de foi, de dévouement, de conviction et d’engagements courageux sur les plans professionnel et personnel, intellectuel et éthique, politique et religieux. Sa famille lui était pareillement chère. Père d’une fille, grand-père, arrière-grand-père d’un petit Maël, il avait choisi de se consacrer durant ces dernières années à son épouse et l’a soignée avec la plus grande abnégation. Il nous laisse un exemple de qualités dont la plus importante était sans conteste la bonté, accompagnée d’une urbanité, d’une modestie, d’une droiture et d’un respect de l’autre qui ont fait de lui une référence irremplaçable.

 Anne-Marie Baranowski

 

 

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Le 21 novembre 2013

Nous avons appris la triste nouvelle du décès de Madame Edouard Lezon, Agrégée de l'Université, Maître de Conférence en retraite de l'université Charles de Gaulle - Lille III, survenu à Hasnon (59) le 14 novembre 2013.

Madame Lezon était une adhérente fidèle de notre Syndicat. Le Secrétaire Général, les membres du Bureau National, du Comité National et tous les adhérents et adhérentes adressent à sa famille leurs très sincères condoléances.

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Le 6 novembre 2013

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Éloge de Daniel Lefeuvre

prononcé le vendredi 22 novembre 2013 à l’Académie des Sciences d’Outre-Mer

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Daniel Lefeuvre, professeur des universités et grand historien de la colonisation et de la décolonisation, nous a quittés le 3 novembre 2013, à l’âge de soixante-deux ans. Sa mémoire a été immédiatement saluée par des hommages venus de toutes parts, et notamment des historiens, même de ceux auxquels avaient pu l’opposer de vives controverses. Notre Académie avait reconnu les qualités de Daniel en l’accueillant dans ses rangs en 2012. Il y avait déjà pris une place importante en présidant au programme de commémoration du centenaire de la Grande Guerre, programme qui sera présenté à l’Académie au mois de janvier.

 

On rappellera d’abord l’œuvre que Daniel Lefeuvre laisse derrière lui. L’essentiel réside dans une réflexion sur les aspects économiques de la colonisation, illustrée par sa thèse, publiée en 1997 et rééditée en 2005, sous le titre Chère Algérie. Il y développait, avec de solides arguments, l’idée selon laquelle la colonisation, loin de se résumer à une exploitation en tous les domaines, avait représenté une lourde charge pour les budgets français, et que, par conséquent, il ne fallait pas voir dans le poids des intérêts économiques l’alpha et l’oméga de la présence française outre-mer. Cette présence, il essaya par la suite de la préciser dans toutes ses composantes, depuis l’activité des entreprises jusqu’à la démographie, en s’appuyant sur une pratique des archives tout à fait exceptionnelle. Le temps ne lui fut pas laissé d’achever de nombreux projets, dont un livre sur les Français d’Algérie qui aurait, lui aussi sans doute, bousculé bien des croyances. Du moins put-il diriger plusieurs colloques importants, dont L’Europe face à son passé colonial (2008) et Démontages d’Empire (2012). Il avait fondé en 2006, avec Michel Renard, le site Études Coloniales, devenu une référence sur ce sujet.

 

On soulignera aussi l’activité inlassable et citoyenne que sut montrer Daniel pour faire contribuer les enseignements de l’histoire aux débats politiques les plus brûlants. Cette préoccupation s’exprima dans deux livres, Pour en finir avec la dépendance coloniale (2006), et Faut-il avoir honte de l’identité française (2008). L’auteur défendait un idéal de la France et de la République qui s’oppose à la mauvaise conscience agitée comme un rideau de fumée par des groupes plus soucieux de se faire connaître, avec tous les bénéfices que cela comporte, que de rechercher la vérité. Sans renier les erreurs et les crimes de la colonisation, il y voyait surtout un phénomène très complexe, encore mal connu. Il se refusait par ailleurs à expliquer les problèmes actuels de la société française par un quelconque « héritage colonial », et pensait que seule une application rigoureuse de la laïcité pourrait aider à en sortir. Il soutint ses convictions dans de nombreuses interventions télévisées, où ses talents de débateur (une parole claire, un vocabulaire précis, un calme parfait, et surtout une impeccable connaissance des dossiers), faisaient merveille.

 

Enfin et surtout, Daniel était pour beaucoup d’entre nous, un ami toujours présent et attentif. Nous avons admiré le courage avec lequel, entouré de son épouse et de ses deux fils, il a, durant près de trois ans, lutté contre la maladie, sans se replier sur sa souffrance. Jusqu’à la fin il a continué à produire, à enseigner, à siéger au Conseil National des Universités. Jusqu’à la fin il a manifesté le sens de l’humour et le goût de la vie qui rendaient sa présence si attachante, et qui nous font douter aujourd’hui qu’il puisse être mort tout à fait. Daniel n’était pas croyant, et il n’est pas question de lui faire dire autre chose que ce qu’il a voulu dire lui-même. Mais, si la foi peut signifier la fidélité dans les grands idéaux humanistes, qui, indéniablement, étaient les siens, dans la lignée d’un Ernest Renan ou d’un Victor Hugo, on n’hésitera pas à appliquer à ses engagements la phrase de Paul :

 

« J’ai combattu le bon combat ; j’ai achevé ma course ; j’ai gardé la Foi ».

 

Jacques Frémeaux

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Nous reproduisons ce texte avec l'accord de Monsieur Frémeaux. Il sera publié dans les Annales de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer.

 

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Le 25 octobre 2013

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Nous avons appris la triste nouvelle de la disparition, le 23 octobre, de Denis Miannay qui a assuré pendant des années la fonction de trésorier au sein de  notre Syndicat.

Agrégé de grammaire, il s'est fait connaître par des publications sur les anglicismes et les vocabulaires scientifiques et techniques.

Il est l'auteur d'un dictionnaire  des "Expressions idiomatiques" et de nombreuses études sur l'oeuvre de Maurice Genevoix.

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Il a fait toute sa carrière à Paris-Sorbonne-Paris IV, où il a enseigné la grammaire française et la linguistique comparée des langues romanes.

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Membre des jurys interne et externe des CAPES de lettres Modernes et des jurys d'Agrégation interne de Lettres classiques et de Lettres modernes  pendant de nombreuses années ainsi que du jury d' Agrégation externe des Lettres modernes, il a eu également des responsabilités administratives importantes en tant  que Directeur de cabinet du recteur de Paris, Robert Mallet, Chancelier des Universités de Paris, puis en tant que conservateur du château de Ferrières, avant d'être élu par ses pairs, à deux reprises, directeur-adjoint de l'U.F.R de langue française de la Sorbonne.

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Le 28 mai 2013

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Toutes nos félicitations à notre collègue Elyette Benjamin-labarthe, professeur d'Etudes Américaines (C.E.) à l'université de Bordeaux-Montaigne, qui a été promue Chevalier dans l'ordre de la Légion d'Honneur. Son engagement au sein du Syndicat des Lettres a toujours été et continue d'être sans faille. Nous nous réjouissons avec elle et ceux qui lui sont chers. 

Nous reproduisons ici le discours qu'elle a prononcé lors de la réception.

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Discours de réception dans l’Ordre de la Légion d’Honneur

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Je souhaite ici remercier Jean Pierre Poussou, recteur de l’Académie de Bordeaux et par deux fois président de la Sorbonne Paris IV, car il m’a fait l’honneur d’accepter ce parrainage dans la Légion d’Honneur.

C’est au professeur Patrice Brun, précédemment président de l’université Bordeaux 3, activiste de tradition syndicaliste, dévoué à la communauté, à qui je dois d’avoir été proposée au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche au titre de notre établissement. Patrice, veuillez ici recevoir mes sincères et humbles remerciements.

Je tiens à remercier également le président actuel de notre université, le professeur Jean Paul Jourdan, anciennement vice-président de notre université, consulté sur ce choix et prêteur du lieu élégamment agencé en vue de cette petite cérémonie.

Il me tient à cœur de remercier également le professeur Singaravélou, ancien président de Bordeaux 3, dont l’aide m’a été précieuse quand il s’est agi de venir rejoindre l’université Michel de Montaigne après vingt-cinq and passés à l’université de sciences sociales et juridiques Montesquieu Bordeaux IV, un établissement dont je garde en mémoire les amis fidèles présents ici, Josette Rico et Eric Dubesset, ainsi que les présidents et vice présidents toujours si bienveillants à mon égard, les Ps Dimitri Lavroff, Marc Penouil, Henri Bourguinat, Jean-Claude Gautron, Pierre Delfaud, Gérard Hirigoyen, comme les directeurs de centres de recherches qui m’ont accueillie après que j’ai quitté le lycée de Gravelines. Les professeurs de science politique Jean-Louis Seurin et Jean-Louis Martres, deux modèles dont je me suis efforcée, au fil des années, de rester une émule, y ont pleinement accepté de former l’autodidacte que j’étais alors.

Rien cependant n’aurait pu être accompli sans ma famille, ancienne et renouvelée. Le soutien de mes parents aimants Jean et Suzanne, personnalités de village qui ont compris très tôt que l’ambition féminine devait être respectée. Celui d’Eric Andouard, ici présent, épousé en Californie, celui d’Isolde Clément-Bollée, notre fille –également ici présente- pleinement convertie au cosmopolitisme, ainsi que plus tard, selon les mouvements de la vie personnelle, le soutien indéfectible de Francis Benjamin, dont je porte maintenant le nom depuis vingt ans, et que je remercie ici de la patience qui l’a amené à tolérer les si nombreuses missions de recherche et activités syndicales renouvelées dont a pu être émaillée notre vie familiale. Je souhaite également remercier ici Maïté Andouard, de l’aide tant logistique qu’affective qu’elle m’a apportée pendant toutes ces années. Je remercierai ici également Paul Benjamin, mon beau-fils, de sa chaleureuse présence ici.

Une pensée amie et émue va également à mes compagnons de lutte syndicale, et bien au-delà de ce microcosme actif, qu’il soit local ou national, à tous ceux et celles que j’ai pu côtoyer, dont j’ai beaucoup appris, en dix ans de présence en tant qu’expert au Ministère et principalement au CNESER, avec qui j’ai échangé opinions contradictoires, ferraillé même, noirci des centaines de pages en évaluant de lourds dossiers, en essayant de ne jamais déroger aux principes clés de l’équité, de la probité et de la tolérance…

Mes remerciements ne seraient pas complets si je ne mentionnais ici le soutien indéfectible de mon université d’appartenance, tant au plan humain que financier, dans la mesure où mes demandes ont toujours été reçues avec bienveillance par l’exécutif de Bordeaux 3, ainsi que par les directeurs de départements, cela depuis mon arrivée à Michel de Montaigne en 1965. Je remercie certes dans le sillage, pour sa générosité, mon centre de recherche d’appartenance CLIMAS, en la personne de sa directrice actuelle le professeur Nathalie Jaëck, mais également à travers tous ses membres, dont nombre sont présents aujourd’hui. Je souhaite vivement rendre hommage à la solidarité et au sentiment d’amitié qui nous lie, au-delà des seules préoccupations scientifiques. C’est grâce à CLIMAS que j’ai pu bénéficier de tant de missions de recherche depuis plus de trente ans, grâce à la tolérance de notre université que je peux rejoindre régulièrement les séances d’expertises du Ministère, ….en avion et en taxi, certes souvent bardée de lourds documents !

Le dernier signe de sympathie ira plus globalement à la communauté tripartite de Bordeaux 3, aux étudiants que j’affectionne et dont certains sont présents dans cet auditoire attentif - à la centaine d’étudiants chercheurs dont j’ai encadré les travaux  au fil des années -, aux membres du personnel administratif que je remercie également de leur constance, disponibilité … au-delà quelquefois du raisonnable,  et de leur compétence sans faille, ….comme d’être nombreux à être ici présents parmi nous. Votre aide, vos conseils, votre amabilité et disponibilité resteront dans ma mémoire bien au-delà de 2014…..date à laquelle les plus de 50 ans de service seront, bien qu’à regret, pour moi définitivement clos !

J’aimerais avant de vous convier à boire le verre de l’amitié vous retracer sans j’espère vous lasser, le voyage de formation d’un des derniers enfants des Trente glorieuses encore en service, qui a épousé ses valeurs et ses idéaux, selon  une dynamique de réussite méritocratique promise par la République. Car le monde éducatif était à l’époque, encore enchanté et rempli de promesses, de réussite et de conquête, pour qui voulait s’en donner la peine.

Le mérite s’éprouvait par le franchissement successif d’obstacles de haies, épreuves nombreuses dont je donnerai ici, au bénéfice surtout de nos étudiants et chercheurs ou de mes homologues plus jeunes, quelques exemples vécus, dûment et durement expérimentés dans le corps et dans l’esprit : soit examens de passage obligatoires entre chaque niveau, …d’entrée en 6è à 10 ans, au certificat d’études avec épreuve de calcul mental, levée d’ardoises anxiogène en public à 12 ans, ….examen mémorable qui amenait aux aurores les écoliers nauséeux en autobus vers le chef lieu de département. Il fallait aller prouver la nécessaire maîtrise du parcours des fleuves français de leur berceau jusqu’à à la mer, attester de la connaissance des chefs lieux de canton, … non sans omettre dictée sans faute et grammaire impeccable.

Puis vient le brevet élémentaire l’année suivante, destiné à re-vérifier les connaissances acquises, ajoutant même d’autres vérifications d’aptitudes, notamment domestiques, cela uniquement pour les jeunes filles, …. Soit notre capacité à savoir faire un ourlet ou repasser un pantalon, pourtant à l’époque apanage des hommes….

Puis à 14 ans, sur la proposition du directeur d’école, concours d’entrée à l’Ecole normale de jeunes filles, à l’issue de la classe de ladite « 3è spéciale », un jalon ancien du parcours des boursiers certes aujour’hui oublié -, vers une école de la république non-mixte comme son nom l’indique, où il sera formellement interdit aux filles de la nation de porter pantalon ou maquillage….

A 16 ans et 17 ans, nouveau contrôle selon un diptyque première et deuxième partie du Bac, par lequel on vérifiait de nouveau, sur proposition du professeur, que nous méritions de passer le bac…. Il y eut ensuite la promesse d’entrée à l’université grâce à l’offre du concours des IPES, disparu aujourd’hui, lequel était une promesse d’emploi différée sur quatre ans, dans une république qui pariait sur le gagnant - gagnant. La première année d’université était couronnée par un examen de culture générale, propédeutique…. J’arrêterai là …Chacun comprendra que la méritocratie était alors un formidable donnant-donnant, une formule pour vous faire avancer.

Mais ceci était sourdement contredit par les mentalités, locales ….Car l’horizon normal à l’époque, pour les filles, ne pouvait être que le mariage, ….les constructions culturelles pesaient très fort dans leur avenir, alors que les garçons échappaient à ce destin social…. Il fallait donc se battre pour dépasser ces impératifs, pour devenir quelqu’un.

L’enfant des Trente glorieuses est aussi une enfant de l’après guerre, née en pleine zone de démarcation, sur le lieu de passage des Juifs fuyant vers l’Espagne que son père, enfant du pays auquel je souhaite rendre hommage aujourd’hui -, cachait dans les « barthes » - les bois marécageux de notre pays, pour les conduire vers la zone libre. Il semble que l’imprégnation profonde de l’atmosphère culturelle de l’après - guerre ait influencé mon parcours. Bien que porteuse de traumatismes, cette période noire a suscité également des espérances chez les enfants du baby boom, elle a mobilisé les énergies de la reconstruction, favorisant le terreau des réussites de ma génération.

Les terrains de jeu de cette époque ont été innocemment les cimetières juifs abandonnés. Les acteurs de mon enfance ont souvent été les rescapés de l’abomination nazie. L’un des souvenirs phares est celui de ces rescapés profondément mutilés qui s’en sont sortis, rassemblés toutes les semaines dans ma famille… Ils ont encouragé mon énergie, l’envie de vivre facilitée par les nouveaux idéaux d’une république renaissante, la fuite aussi peut-être vers des horizons nouveaux….

Nous savons tous qu’aujourd’hui les yeux se sont détournés des Etats-Unis, un pays qui était pourtant considéré dans les années 60 comme le laboratoire d’un nouveau monde moderne. En quelques mots, il me faut évoquer ici comment une enfant de Peyrehorade se trouva mêlée avec admiration et passion à la grande histoire qui était entrain de se faire outre Atlantique. Cette Amérique venue nous aider à la libération était très parlée dans ma campagne : trilogie chocolat, blues, et rock’n roll : c’est ainsi que l’exotisme est à Peyrehorade dans les années cinquante et sème le germe du désir de la découverte. Traverser l’Atlantique en 1969, en Caravelle, vers le  laboratoire de l’underground, de la contreculture, des alternatives, existentielles et politiques, est un projet que s’insinue dans ma vie comme il s’était insinué dans la vie du village grâce à un certain William Bartlett, mystérieux américain de l’après-guerre, mulâtre, premier voisin, tombé amoureux de la France et d’une Peyrehoradaise. Par amour, l’ancien soldat, le transfuge culturel devient artisan fabricant de sandales basques….

Mon rêve américain s’est incarné dans la Californie. J’ai eu la chance de devenir une disciple intellectuelle, bien que perplexe, d’Herbert Marcuse,  gourou philosophique de l’époque, inspirateur de Daniel Cohn - Bendit, auteur du légendaire Eros et civilisation, professeur à l’université UCSD, lequel n’hésita pas à m’avouer, lors de l’une de ses fréquentes parenthèses à la plage, accompagné de ses élèves favoris, qu’il avait lui-même a posteriori des difficultés à donner du sens à ses propres analyses….Il faisait référence à l’ouvrage vénéré en France dans les années 68, L’Homme unidimentionnel qu’il enseignait pourtant doctement à l’université, en plein air, parmi les eucalyptus, devant un auditoire énorme et festif.

Ainsi la grande chance de mon expérience américaine a-t-elle été de pouvoir rencontrer, fréquenter, tant dans le cénacle universitaire que dans la société civile, des personnalités aussi fascinantes que le sociologue Marshall Mc Luhan, la militante Angela Davis ou le syndicaliste César Chávez. Soi-dit en incise, les étudiants français qui avaient connu mai 68, quelle que soit leur appartenance idéologique, étaient devenus, en 1969, les mascottes de l‘Université de UCSD ainsi que du San Diego tribune, instrument de la presse locale francophile mais paternaliste….

Je souhaite associer ici cette période cruciale de ma vie, non sans émotion, respect et affection, à Jean Béranger – créateur de projets, directeur de centre novateur sinon visionnaire en recherches américaines. Car c’est ainsi, sous l’appellation de « patron », formule affective plus que gestionnaire, qu’on appelait à l’époque nos maîtres à penser, directeurs de recherche, mentors. Vous ne m’en voudrez pas je l’espère, de n’avoir pas voulu caviarder cette partie de ma vie où étaient encore vivantes et vivaces des notions qui m’ont construite.

L’enfant du village natal sera à nouveau ici évoquée une dernière fois…. Les noms que j’avais vus sur les plaques des tombes juives abandonnées dans les cimetières, ces noms se sont incarnés pour la première fois, de manière vivante, dans l’univers de la haute culture, à travers les noms des professeurs, chercheurs, étudiants, écrivains comme Saul Bellow rencontrés aux Etats-Unis, comme pour me faire passer du monde meurtri de l’Europe, de mon village encore sinistré, aux horizons vivifiants de la vie californienne.

Monde ouvert des cultures au sens anthropologique, qui m’a amené à découvrir une civilisation passionnante sur laquelle je reste encore penchée, en tant qu’universitaire revenue en Europe. De frontière en frontière, la frontière décidément a marqué ma vie, car de la frontière hispano-française des origines, en franchissant l’Atlantique, je me suis retrouvée sur le fleuve transfrontalier du Rio Grande, devenue passeuse de frontières culturelles et sociales. Ainsi le paradigme de la frontière a-t-il été le moteur de mon parcours.

Je sais gré à toutes celles et ceux qui réunis ici, par leur affection, leur camaraderie, une écoute généreuse et de judicieux conseils, m’ont accompagnée activement dans ces multiples franchissements.

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Elyette Benjamin-Labarthe

 

Commandeur des Palmes académiques

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Photos: cliquer sur les liens ci-dessous

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